70 ans d'éducation politique en Allemagne // Paris ne veut pas de pavés de mémoire

“Et voilà c’est parti ! Première question : combien de fois le Wahl-o-Mat a-t-il été utilisé en vingt ans d’existence ? Réponse A : 2 millions, B : 50 millions, C : 110 millions, D : 450 millions ou bien E : 870 millions de fois ?” 

Alors, vous connaissez la réponse ? Mais il faut peut-être commencer par le commencement. C’est quoi, le Wahl-O-Mat ? Et quel est son rapport avec l’éducation politique ?  

“Le Wahl-O-Mat est une offre d’information", explique Daniel Kraft, le porte-parole de l'Agence fédérale pour l’éducation civique. "On essaie de manière simple, par un système de vote sur internet où il faut choisir entre d’accord, pas d’accord et neutre, de voir quelle position politique est la plus proche de soi.” 

Limitation de la vitesse sur les autoroutes, augmentation des dépenses militaires, réforme du droit d’asile ou encore allongement de la durée de vie des centrales à charbon... A chaque élection, le Wahl-O-Mat propose aux électeurs de donner leur avis sur une quarantaine de sujets défendus par les partis en lice.

Le score final indique avec lesquels ils ont le plus d’affinités... De quoi aider les indécis à faire leur choix dans l’isoloir.  

Alors combien de fois le Wahl-O-Mat a-t-il été utilisé depuis son lancement en 2002 ? Eh bien la bonne réponse était C, 110 millions de fois... Dont 21 millions aux dernières élections législatives en septembre 2021. 

Un instrument pour l'éducation politique

Le Wahl-O-Mat est un des instruments que l’Agence fédérale pour l’éducation civique utilise pour promouvoir la démocratie en Allemagne. Une mission qui est inscrite dans les statuts de cette institution depuis sa création en 1952, sept ans après la fin de la Seconde guerre mondiale.  

L’Allemagne sort alors de longues années de dictature nazie. Il s’agit de rééduquer sa population à la démocratie. La “Bundeszentrale für Heimatdienste” voit le jour le 25 novembre 1952.  

Son nom rappelle la “Reichszentrale für Heimatdienste”, une institution fondée sous la République de Weimar, puis interdite par les nazis en 1933. Mais contrairement à son ancêtre, qui était un outil de communication gouvernementale, l’Agence fédérale revendique dès son origine sa liberté de parole, comme l’explique son porte-parole Daniel Kraft: 

“Il s’agissait dès le début non pas de loyauté envers le gouvernement, mais d’une conscience critique et démocratique. Et cela impliquait donc aussi la possibilité de critiquer le gouvernement. L’idée de départ était de transformer les nazis en démocrates et aujourd’hui, nous essayons de renforcer les forces démocratiques dans notre société. Nous voulons encourager la société civile, consolider la conscience démocratique.” 

En sept décennies, la bpb a accompagné tous les bouleversements politiques et sociaux de son temps avec des publications, du matériel pédagogique pour les enseignants, des débats ou encore des voyages d’étude. Elle base son action sur le principe de controverse, interdit toute forme d’endoctrinement et encourage les initiatives démocratiques de la société civile. 

La jeunesse récompensée pour son engagement démocratique

Tabea Maier, 21 ans, fait partie de l’association Just Versmold, qui a reçu le Prix de la jeunesse pour la démocratie 2022, décerné par la bpb. Avec d’autres jeunes bénévoles, cette étudiante organise depuis le début de la guerre en Ukraine des activités d’intégration pour les jeunes réfugiés ukrainiens.  

“Quand nous avons entendu parler de la guerre en Ukraine, nous avons été très touchés, on se sentait démunis. On s’est demandé ce qu’on pouvait faire et c’est comme cela que l’initiative est née.” 

L’association JUST Versmold a reçu un chèque de 3000 euros de la bpb, de quoi organiser encore de nombreuses activités pour les jeunes réfugiés. D’autres organisations bénéficient d’un financement plus régulier de l’agence fédérale, qui dispose d’un budget annuel de 100 millions d’euros.

C’est le cas du réseau YEP – Young European Professionals. Lancé par la bpb en 2005, ce réseau de jeunes organise des rencontres pour informer sur l’Europe. Lisa Kleinhenz, 25 ans, fait partie des YEP. 

“Ma motivation de m’engager dans le réseau était d’abord de pouvoir en apprendre davantage sur l’Europe et l’Union européenne, et puis aussi de transmettre ce savoir à d’autres jeunes de mon âge, d’égal à égal. (…) Beaucoup de décisions sont prises au niveau européen qui nous touchent au quotidien, que ce soit l’utilisation du plastique ou les voyages, la traversée des frontières, et bien plus encore... C’est important d’être conscient de ces privilèges et aussi de suivre ce qui est décidé, pour savoir ce qui me concerne, ce qui nous concerne tous...” 

Quand l'éducation politique entraîne l'engagement

Toutes ces formes d’engagement bénévole contribuent à l’éducation politique et consolident la démocratie, se réjouit pour sa part Daniel Kraft, le porte-parole de la bpb. 

“L'éducation politique signifie discuter de sujets de manière controversée, s'engager pour la démocratie, et pour moi, l'éducation politique signifie aussi participer. Je vois donc dans l'éducation politique une orientation pour voir comment moi, je peux changer mon propre monde. Qu'est-ce que je dois faire pour ne pas seulement me plaindre, mais aussi pour changer quelque chose ?” 

La bpb opère depuis trois sites en Allemagne : Bonn, ancienne capitale fédérale et berceau de l'institution, Berlin, et depuis peu Gera, dans l’est de l’Allemagne. La plupart des Länder ont également leur propre agence régionale pour l’éducation civique. Un modèle unique dont Daniel Kraft est fier : 

“Nous sommes uniques au monde. Il y a de plus petites institutions, comme au Luxembourg, en République tchèque ou en Autriche. Mais à l'échelle où l'on peut dire qu'il y a 357 personnes qui s'occupent tous les jours de transformer des Allemands en démocrates ou de renforcer leur conscience démocratique, c'est unique.” 

Le 25 novembre, la bpb a fêté son anniversaire à Bonn dans les anciens locaux du parlement allemand. Un anniversaire auquel tous les citoyens étaient conviés, sans distinction. Il y avait même Nao, un robot humanoïde auquel nous laisserons ici le mot de la fin : 

“Happy birthday, Bundeszentrale für politische Bildung” 

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Paris ne veut pas de pavés de mémoire

Avez-vous déjà entendu parler ou même vu des Stolpersteine ? Littéralement des “pierres sur lesquelles on trébuche”, ce sont des pavés de béton ou de métal de dix centimètres de côté enfoncés dans le sol. La face supérieure est recouverte d'une plaque de laiton qui honore la mémoire d'une victime du nazisme.  

Ces pavés de mémoire sont une création de l'artiste allemand Gunter Demmig. Les premiers sont apparues à Cologne et à Berlin. Aujourd’hui, on en trouve dans près de 1300 villes et communes d’Allemagne... et dans 21 pays d’Europe ! 

En France, il en existe dans plusieurs grandes villes comme Strasbourg ou Bordeaux... À Paris également, des enfants de déportés souhaitent poser des Stolpersteine, mais la mairie refuse. Un reportage de Nadir Djennad. 

L’année 2023 devrait voir la pose du 100.000ème pavé de mémoire, dans les environs du mois de mai. 
 

Vu d’Allemagne est un magazine radio hebdomadaire, proposé par Hugo Flotat-Talon et Anne Le Touzé, diffusé le mercredi et le dimanche à 17h30TU, et disponible aussi en podcast.