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EconomieAllemagne

L'allocation citoyenne entre en vigueur en Allemagne // Peurs et espoirs de la communauté noire au Brésil

Hugo Flotat-Talon
11 janvier 2023

La réforme du régime d'indemnisation du chômage de longue durée entre en vigueur en ce mois de janvier en Allemagne. La fin du système Hartz IV tant décrié. En seconde partie de ce podcast : direction le Brésil où quatre femmes, noires, confient leur état d'esprit en ce début d'année mouvementé sur place.

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C'est une réforme majeure qui entre en vigueur en Allemagne en ce début d'année 2023 : celle du Bürgergeld, le revenu citoyen, qui remplace le système Hartz IV. C'est la deuxième réforme sociale importante après la hausse du salaire minimum à 12€ de l'heure depuis le 1er octobre dernier. 

Ce nouveau régime d'indemnisation du chômage de longue durée, qui concerne quelques cinq millions de personnes, remplace le système Hartz IV, du nom de la réforme de 2005, votée à l'époque où le social-démocrate Gérard Schröder était au pouvoir. Il concerne les personnes en âge de travailler, qui ne touchent plus d'indemnités chômage, car sans emploi depuis plus de 12 mois.

Une question de "respect"

Avec le système Hartz IV, les chômeurs touchaient 449€ par mois et leur loyer et les frais de chauffage étaient pris en charge. Mais ils devaient pour cela remplir certaines conditions. L'allocation pouvait être diminuée si le bénéficiaire disposait d'une épargne ou d'un patrimoine, on obligeait aussi souvent les personnes à déménager dans des logements plus petits et ils devaient accepter toute offre d'emploi proposée jugée "raisonnable". 

L'idée était de faire baisser le chômage dans le pays lors de l'instauration de la loi. Mais Hartz IV était très controversé, accusé d'avoir favorisé les petits boulots sous-payés, poussé de nombreuses personnes dans la précarité, voire la pauvreté, sans régler le problème du chômage de longue durée. "Hartz IV" était même devenu une insulte parfois dans la langage populaire, un terme stigmatisant pour les allocataires. 

Un cortège et des banderoles lors d'une manifestation contre la réforme Hartz IV à Leipzig en 2004
Les réformes Hartz, concernant le marché du travail, menées de 2003 à 2005, avaient provoqué un mouvement de contestation important, comme ici à Leipzig en 2004Image : Eckehard Schulz/AP Photo/picture alliance

"On associait souvent ceux qui recevait le Hartz IV à des gens qui ne veulent pas travailler, qui se reposent sur les aides sociales", raconte Peter-Michael Zernechel, le porte-parole de la Fédération sociale allemande. "Sauf que ce n'était pas ainsi pour la grande majorité des cas. Beaucoup de gens perdent leur emploi car il y a des problèmes dans leur branche de travail ou parce que leur entreprise ferme", détaille-t-il, citant les difficultés de retrouver un emploi pour les personnes de plus de cinquante ans. "Ce système a conduit à des situations où les gens n'avaient vraiment plus assez. Il fallait donc, d'un point de vue financier, mais aussi pour éviter les stigmatisations, réformer tout cela."

Changer le système était une question de "respect", avait dit pendant sa campagne le chancelier actuel Olaf Scholz. Il aura fallu des mois de négociations entre les partis au gouvernement pour que le Bürgergeld voit le jour. La loi qui entre en vigueur en ce mois de janvier n'a d'ailleurs été votée définitivement que fin novembre dernier. 

502€ par mois et de nouvelles règles

Le montant de la nouvelle "allocation citoyenne" a été revu à la hausse : les allocataires qui touchaient 449€ avec le système Hartz IV recevront désormais 502€ par mois. Certaines conditions ont aussi été assouplies : plus question de faire déménager une personne au chômage dans un plus petit logement la première année où elle touche cette allocation. L'idée est que la personne se concentre sur sa recherche d'emploi plus que d'un logement. 

Plus question non plus de priver totalement d'allocation quelqu'un qui a un peu d'argent de côté, les montants exonérés du calcul de l'allocation ont été revus à la hausse. Fini aussi l'obligation d'accepter n'importe quel emploi. "Sujet ce sujet, le gouvernement a vraiment lâché du lest", explique Brigitte Lestrade, professeur émérite de civilisation allemande contemporaine et spécialiste des questions du marché du travail. "Auparavant, avec le système Hartz IV, les gens devaient accepter n'importe quel boulot, même un emploi qui n'avait aucune relation avec leur qualification ou leur expérience antérieure." Désormais les personnels des agences pour l'emploi doivent tenir compte des souhaits des chômeurs et de leur formation antérieure. 

Une main levée lors du vote au Bundesrat concernant le Bürgergeld
Les débats entourant la réforme ont parfois été violents chez les parlementaires allemands, à tel point que la présidente du Bundestag, Bärbel Bas, avait même dû rappeler à l'ordre, demandant d'éviter "haine et agitation"Image : Wolfgang Kumm/dpa/picture alliance

Dès le mois de juillet, un "plan de coopération" doit être établie aussi entre les personne au chômage et les agences pour l'emploi, dans l'idée d'établir un plan de retour à l'emploi. Celui-ci sera cependant beaucoup moins contraignant que jusqu'à présent, les chômeurs moins menacés de sanctions rapidement, s'ils ratent un rendez-vous par exemple. "C'est la philosophie qui sous-tend tout cela, le gouvernement voulait que, dorénavant, les chômeurs et le personnel des agences pour l'emploi échangent d'égal à égal, qu'il n'y ait pas de mépris du personnel des agences vis-à-vis des chômeurs", insiste Brigitte Lestrade. "Ils voulaient absolument améliorer les relations entre ces deux populations." Le montant de l'allocation peut même être un peu augmentée en cas de formation. 

"C'est toujours trop peu"

Les sanctions existent encore, mais l'accent doit être mis sur le soutien plus que la menace. "Un changement de perspective", dit-on côté gouvernement. Il n'empêche que, coalition et compromis obligent, de nombreux point initiaux de la réforme ont été supprimés ou modifiés, notamment sous la pression des libéraux au gouvernement. Sur le délai de carence avant de devoir quitter son logement par exemple : d'un an, il devait au départ être de deux. 

Le ministre fédéral du Travail allemand, Hubertus Heil, à la tribune du Bundestag, lors des débats sur la réforme du Bürgergeld
"Ce nouveau système doit aider à réintégrer durablement les chômeurs sur le marché du travail", estime le ministre fédéral du Travail allemand, Hubertus Heil Image : Bernd von Jutrczenka/dpa/picture alliance

"Il est important d'avoir réformé le système Hartz IV, mais tout n'est pas parfait", réagit Peter-Michael Zernechel, le porte-parole de la Fédération sociale allemande. Il salue la réforme mais refuse de parler d'une révolution sociale. "L'augmentation du montant de l'allocation, en cette période, est toujours trop basse. Nous, nous disons qu'il faudrait au moins 650€ par mois pour qu'une personne puisse échappe à la pauvreté, parce que, souvent, les personnes qui reçoivent cette allocation citoyenne sont dans la dernière étape avant la pauvreté." 

Une pauvreté qui menace près de 17% de la population en Allemagne, pas loin de 14 millions de personnes. Il y a des chômeurs de longue durée, mais pas seulement. Des retraités sont concernés aussi, des jeunes ou encore même des travailleurs.

Réécouter → La pauvreté infantile à un taux record en Allemagne

C'est ce qui explique d'ailleurs en partie certaines critiques contre la réforme ces derniers-mois. Elle est parfois mal acceptée par une partie de la population en Allemagne. On lui reproche de décourager la reprise d'un emploi. "Cela ne vaut pas la peine de travailler avec un petit salaire, si on peut toucher l'allocation", disent certains. "N'opposons pas les personnes dans le besoin aux personnes à faible revenus", répond le ministre fédéral du travail, défendant sa réforme.  

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"Le Brésil est une démocratie en miettes, nous avons tout un pays à reconstruire"

Luiz Inacio Lula da Silva (au centre), accompagné de huit représentants de la diversité du peuple brésilien le jour de son investiture
Lors de son investiture, le 1 janvier 2023, Luiz Inacio Lula da Silva était accompagné de huit représentants de la diversité du peuple brésilienImage : Ueslei Marcelino/REUTERS

En seconde partie de cette émission, Vu d'Allemagne prend la direction du Brésil, après les événements du week-end dernier. Des milliers de partisans de l'ancien président Jair Bolsonaro ont envahi des lieux de pouvoir à Brasilia. 

Ils refusent, comme Bolsonaro, de reconnaître la victoire et l'investiture du président Luis Inacio Lula da Silva le 1er janvier dernier. Icône de la gauche brésilienne, Lula entamme donc dans ces conditions un troisième mandat à la tête du Brésil. Dans ce contexte, notre correspondante sur place, Sarah Cozzolino, a rencontré quatre femmes noires. Renata, Lanique, Yamê, et Luana se confient à Vu d'Allemagne, parlant de leurs peurs, leurs espoirs et des défis à venir. 

 

Vu d’Allemagne est un magazine radio hebdomadaire, proposé par Hugo Flotat-Talon et Anne Le Touzé, diffusé le mercredi et le dimanche à 17h30TU, et disponible aussi en podcast. Vous retrouvez tous les numéros dans la médiathèque, à écouter en ligne ou à télécharger en format MP3. Le podcast est également disponible sur certaines plateformes de podcasts.

Portrait Hugo Flotat-Talon
Hugo Flotat-Talon Journaliste au programme francophone de la Deutsche WelleHugo_FT_