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Dans un Etat de droit, Paul Biya ne serait plus au pouvoir

Georges Ibrahim Tounkara
4 janvier 2023

L'analyste camerounais Aristide Mono revient sur l'incapacité flagrante de Paul Biya à assumer ses fonctions. Et sur les difficultés qui se posent pour sa succession à la présidence du Cameroun.

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Au Cameroun, Paul Biya est au pouvoir depuis 40 ans…Âgé aujourd’hui de près de 90 ans, le président ne serait plus apte à diriger le pays.

L'analyste Aristide Mono est notre invité de la semaine. Pour lui, celui qui tient en réalité les rênes du pouvoir camerounais est le secrétaire général de la présidence, Ferdinand Ngoh Ngoh, et plusieurs clans sont à la manœuvre dans le cadre de la succession de Paul Biya.

Aristide Mono répond aux questions de Georges Ibrahim Tounkara.
 

DW : Monsieur Aristide Mono, le président [du Cameroun], Paul Biya, est visiblement fatigué. C'est votre avis ?

Je pense que cela ne surprend personne, sauf à ne pas suivre les déplacements du président ces dernières années. Ce qui est certain et connu, c’est que le président de la République est fatigué, il perd de plus en plus ses moyens physiques.

On l'a vu à l'occasion de la CAN 2021 organisée au Cameroun. Donc le Président de la République, pour nous autres qui observons ses déplacements au quotidien, est un homme amorti et un homme fatigué.

DW : Paul Biya est le président élu du Cameroun, mais qui exerce réellement le pouvoir aujourd'hui au Cameroun ?

Institutionnellement parlant, on voit le secrétaire général à la présidence de la République qui jouit du pouvoir de signature. Il a jouit d'une certaine délégation de signature encadrée par la loi de décembre 2011 qui fait partager la signature des documents de la présidence par le SGPR et le Président de la République.

DW : Est ce qu'il y a une guerre de succession aujourd'hui au Cameroun pour succéder à Paul Biya ?

Les combats à l'œuvre sont, ma foi, assez durs. Nous avons un clan qui peut être représenté comme le clan familial qui est porté par des héritiers issus de la sphère identitaire primaire du président de la République, la sphère ethnique du président de la République.

De l'autre côté, vous avez le clan qui se revendique du côté de la belle-famille, c'est à dire du côté de la Première dame.

Dans ce boulevard de combat où vous avez le fils du président qui émerge. Nous parlons de Frank Emmanuel Biya, qui fait progressivement son irruption dans le champ politique.

Nous avons le Grand Nord qui reste catégorique sur le retour du pouvoir présidentiel au Grand Nord après la phase de Ahmadou Ahidjo et après la phase de Paul Biya.

DW : Et l'armée dans tout cela? Est-ce qu'elle aura son mot à dire en matière de succession de Paul Biya ?

Oui, l'armée reste incontournable. Ce sont les militaires qui déterminent les transitions, qui déterminent la dévolution du pouvoir en Afrique francophone.

Dans le cas du Cameroun, il est de plus en plus clair aujourd'hui que si le Président de la République a tenu pendant ces 40 ans, c'est parce que il y a eu une armée qui s'est liguée contre toute personne ayant des ambitions de renverser le pouvoir du président Paul Biya. Le dernier mot viendra du pouvoir militaire.

DW : Alors est ce que le scénario tunisien avec Habib Bourguiba, algérien avec Bouteflika qui ont été mis sur la touche pour incapacité à diriger? Est-ce que ce scénario est probable aujourd'hui au Cameroun ?

Nous sommes déjà dans cette situation. Il faut dire que le problème du maintien de Paul Biya au pouvoir relève du fait que ceux qui sont autour de lui, son régime, n'arrivent pas encore à trouver un successeur consensuel.

DW : Que prévoit la Constitution en cas d'incapacité du président de diriger le pays ?

En cas d'incapacité? Il faut déjà que celle-ci soit actée par la Cour constitutionnelle, par le Parlement camerounais.

Deuxième élément, si cela est arrivé, des élections anticipées sont organisées sous la conduite de celui qui va assumer l'intérim, c'est-à-dire le président du Sénat.

Seulement, est-ce que l'opposition est prête à accepter son incapacité? Est-ce que son entourage est prêt à accepter son incapacité? Est-ce que les institutions établies qui doivent constater sa vacance ou son incapacité auront le courage de le faire? Et quatrièmement, est-ce qu’aujourd'hui, le système dominant est prêt à se faire de l'idée de l'incapacité du président de la République à diriger le pays? Est-ce qu'il a intérêt à accepter que le président de la République est dans une situation d'incapacité?

Si on était dans une situation d’Etat de droit et non d’Etat de non-droit, je pense qu'on aurait déjà acté l'incapacité du président de la République et déclenché immédiatement le processus de succession ou tout simplement le processus d'alternance à la tête de l'Etat.

Georges Ibrahim Tounkara Journaliste au programme francophone de la Deutsche Welle