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Décès de l'ancien président kényan Mwai Kibaki à 90 ans

Philipp Sandner | Fréjus Quenum
22 avril 2022

Mwai Kibaki a servi le Kenya durant cinquante ans couronnés par sa présidence de décembre 2002 à mars 2013. Il s'est illustré comme un économiste chevronné.

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Le président Mwai Kibaki arrive à l'inauguration du nouveau siège de l'Union africaine à Addis Abeba (Archives - Addis Abeba, 28.01.2012)
Une photo de Mwai Kibaki en 2012Image : Noor Khamis/REUTERS

Sa vie est l‘histoire d'une carrière extraordinaire : Mwai Kibaki a servi le Kenya durant cinquante ans couronnés par sa présidence de décembre 2002 à mars 2013.

Mais il n'était pas forcément promis à une telle carrière. Né le 15 novembre 1931 au village de Gatuyani dans la province centrale de Nyeri, Mwai Kibaki aidait son père à élever des moutons et des vaches pendant son enfance. D'après des indiscrétions, c'est finalement son beau-père Paul Muruthi qui a fait pression pour que le jeune homme soit envoyé à l'école.

La décision s'était révélée payante : Mwai Kibaki termine ses études à la célèbre Mang'u High School avec de très bonnes notes et obtient tout naturellement une bourse d'études à la prestigieuse Université de Makerere en Ouganda.

Un parcours réussi

L'ancien président kényan Mwai Kibaki en 2009 à l'ouverture du 14e sommet de l'Union africaine (Archives - Addis Abeba, 31.01.2009)
A ce sommet de l'Union africaine, le colonel Muammar Kadhafi transfère la présidence de l'Union africaine au MalawiImage : Kenyan Pps/dpa/picture alliance

Il termine ses études en économie, histoire et sciences politiques en 1955 avec mention et se distingue également par son talent dans diverses associations estudiantines. Après d'autres études à la London School of Economics, Mwai Kibaki retourne à Makerere pour un poste d'enseignant avant d'être ramené chez lui en 1960 : le Parti du nationalisme africain au Kenya (KANU), qui devait conduire le pays à l'indépendance, avait besoin de cadres bien formés.

>>> Lire aussi : Des trains pour réduire les émissions de carbone au Kenya

Dès l'année 1963, Mwai Kibaki réussit à obtenir un siège au Parlement en remportant une circonscription à Nairobi pour la KANU. La même année, grâce à son expertise en économie, il est nommé secrétaire parlementaire au ministère des Finances. Moins de trois ans plus tard, le premier président, Jomo Kenyatta, le nomme à son cabinet. D'abord comme ministre du Commerce et de l'Industrie, suivi en 1969 par le poste important de ministre des Finances, que Mwai Kibaki conservera pendant une bonne décennie.

La conquête du pouvoir

L'ancien président Mwai Kibaki et l'ancienne chancelière allemande Angela Merkel en 2011 (Archives - Nairobi, 12.07.2011)
Les prouesses économiques du Kenya sous Mwai Kibaki étaient aussi saluées par les puissances étrangèresImage : Michael Kappeler/dpa/picture alliance

Daniel arap Moi, qui prend la présidence kényane en 1978 après la mort de Jomo Kenyatta, fait de Mwai Kibaki son adjoint. Mais l'amour du pouvoir de Moi, associé à une répression massive des opposants politiques, pesaient de plus en plus sur le pays.

Lorsque le Kenya s'ouvre au multipartisme en 1991, Mwai Kibaki n'hésite pas à sortir de l'ombre pour fonder la même année le Democratic Party (DP). Le parti engrange de bons résultats lors des élections suivantes, devenant la troisième force politique au parlement en 1992 et la deuxième en 1997.

Les choses vont encore mieux aux élections de 2002. La National Rainbow Coalition, une alliance de quinze partis indépendants, se crée sous la direction de Mwai Kibaki.

Pendant ce temps, Daniel arap Moi forme l'inexpérimenté Uhuru Kenyatta, fils du père de l'indépendance Jomo Kenyatta, comme son héritier politique, ce qui déplaît à beaucoup de ses alliés et apporte un soutien supplémentaire au mouvement d'opposition. Mwai Kibaki reprend à son compte le désir de changement politique du peuple, promettant de stimuler l'économie et de lutter contre la corruption. Il en était convaincu : "Si nous ne luttons pas contre la corruption, nous ne pourrons pas attirer d'investisseurs dans le pays".

Avec une nette majorité de 62,2 %, les Kenyans l'élisent président.

La plus grande crise

Un homme passe devant une boutique en feu pendant les violences ethniques au Kenya (Archives - Borabu, 02.02.2008)
Les violences postélectorales au Kenya ont fait plus de 800 morts et plus de 200.000 réfugiésImage : picture-alliance/dpa

Les conflits au sein de l'alliance deviennent perceptibles peu de temps après l'élection. Le différend s'intensifie sur le projet d'une nouvelle Constitution – un des thèmes chers à Mwai Kibaki.

Contrairement à ses promesses, le president Kibaki soutient le projet de Constitution qui prévoit un président fort et un Premier ministre faible.

Les opposants au projet se rallient à Raila Odinga et réussissent à le faire rejeter lors d'un référendum. Raila Odinga fonde alors le Mouvement démocratique orange (ODM) et défie Mwai Kibaki.

En décembre 2007, lorsque celui-ci prête de nouveau serment en tant que président, suite à une élection très serrée et controversée, il s'attire la foudre de Raila Odinga et de ses partisans. "Nous pouvons parler ici d'un coup d'État", déclare Raila Odinga, "rendu possible par la commission électorale, qui a servi le seul objectif de Kibaki de falsifier le résultat".

Une vague de violence s'ensuit, opposant l'ethnie Kikuyu de Mwai Kibaki aux ethnies Luo et Kalenjin.

Des centaines de personnes meurent des deux côtés. Le conflit fait plus de 1.200 morts en deux mois.

L'ancien président du Kenya, Mwai Kibaki s'exprime après un accord de partage du pouvoir avec Raila Odinga (droite) - Archives, 28.02.2008
L'accord entre Mwai Kibaki et Raila Odinga était parrainé par le Ghanéen Kofi AnnanImage : Stephen Morrison/dpa/picture-alliance

Les émeutes ensanglantent le second mandat de Mwai Kibaki. Les étapes vers la réconciliation des deux côtés passent par la nomination d'Odinga au poste de Premier ministre en avril 2008 et une autre pression pour une nouvelle Constitution, qui est finalement entrée en vigueur en août 2010 – après que les deux tiers des Kenyans ont voté pour.

Le bond économique kényan

Les réalisations de Mwai Kibaki incluent l'importance économique croissante du Kenya sur les plans régional et international.

À la fin des 24 années de présidence de Daniel arap Moi, la croissance économique avait stagné. Sous Mwai Kibaki, elle a même franchi la barre des 7% en 2004 et est restée constamment positive, malgré la crise économique mondiale et la crise politique intérieure.

Sa formation en économie lui aura été très utile. Sa décision de lever également des impôts dans le secteur informel a particulièrement retenu l'attention de ses compatriotes.

Sur le plan international, Mwai Kibaki a reçu beaucoup d'éloges pour son initiative de rendre l'école primaire de huit ans gratuite. Une loi correspondante est entrée en vigueur la première année de son mandat. En conséquence, le nombre d'élèves du primaire a augmenté de plus de la moitié en 2010.

Après avoir quitté la présidence, Mwai Kibaki ne s'exprimait plus. Les informations sur la détérioration de son état de santé n'ont guère été rendues publiques.

Uhuru Kenyatta, qui a été élu président en 2013, a annoncé ce vendredi (22.04.2022) la mort de Mwai Kibaki. Il a salué les services rendus par Mwai Kibaki à la nation et l'a reconnu comme un père de famille dévoué, un golfeur passionné et un véritable ami pour beaucoup. "Son esprit, son héritage, ses valeurs et ses idéaux demeurent en chacun de nous", a affirmé Uhuru Kenyatta.

Photo de Fréjus Quenum à côté d'une carte du monde
Fréjus Quenum Journaliste, présentateur et reporter au programme francophone de la Deutsche Welle@frejusquenum