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Mahamat Idriss Déby doit se ressaisir

Blaise Dariustone
26 mai 2021

Salomon Nodjitoloum, le président de l’Observatoire de la transition au Tchad, commente la nomination de nombreux généraux et officiers supérieurs de l’armée, membres du clan Déby, au sein de la garde présidentielle par le président du Conseil militaire de la transition, le général Mahamat Idriss Déby. Mais aussi, la nomination de plusieurs conseillers à la présidence de la République.

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Blaise Dariustone, notre correspondant sur place, a interrogé l’avocat Salomon Nodjitoloum, le président de l’Observatoire de la transition, une structure mise sur pied il y a quelques jours par une trentaine d'organisations de la société civile dont l’objectif est de surveiller les actes du Conseil militaire de transition durant les 18 mois de transition au Tchad. 

 

Lire aussi → Tchad, des craintes au sujet de la transition

 

DW : Me Salomon Nodjitoloum, bonjour.

Me Salomon Nodjitoloum : Bonjour

DW : Il y a quelques jours, le président du conseil militaire de transition, Mahamat Idriss Déby, a nommé plusieurs généraux et officiers supérieurs de l’armée à des postes de responsabilités à la Direction générale de service de sécurité des institutions de l'Etat (DGSSIE), cette garde prétorienne  que Mahamat Idriss Déby dirigeait jusqu’à la mort de son père. Sur la liste des personnes nommées, on ne retrouve que des personnalités originaires de la région du clan Déby. Aucune des autres régions. Cela a suscité la colère de nombreux Tchadiens. Quelle lecture faites-vous au niveau de l’Observatoire de la transition sur cette actualité ?

Me Salomon Nodjitoloum : Moi, je pense que Mahamat Idriss Déby est en train de suivre les pas de son feu père Idriss Déby Itno, qui a créé un groupe de sa sécurité, constitué rien que de son clan le plus rapproché. Cela avait été contesté par plusieurs Tchadiens et aujourd’hui, on revient avec le même schéma. Je crois que le Tchad appartient à tout le monde. Nous voulons une armée nationale. Il va falloir que dans tous les services de l’armée, qu’il y ait plusieurs autres groupes qui entrent là.
Mais on ne peut pas construire une armée rien qu’avec le clan de Idriss Déby. C’est dangereux pour l’avenir du pays. On ne peut pas mener cette transition appelée de tous nos vœux à partir de l’injustice. C’est une injustice criarde que les Tchadiens dénoncent. Et ça doit cesser.

DW:  Outre ces nominations de militaires jugés claniques par beaucoup de Tchadiens, la junte militaire a également nommé une soixantaine de conseillers à la Présidence avec avantages et rangs de ministre. Même si sur le principe, le président du Conseil militaire de transition a le droit de nommer les conseillers, une soixantaine, est-ce que ça ne fait pas beaucoup, vu la situation économique du Tchad ?

Me Salomon Nodjitoloum : La situation économique du Tchad est criarde. On n’arrive pas à payer les retraités. On n'arrive pas à régler les plus petits problèmes. Il y a des écoles qui ne fonctionnent pas. Et on se permet de nommer plusieurs conseillers, jusqu’à une soixantaine, une quarantaine de ministres. Je crois que ce n’est pas normal. Il faut juste une équipe soudée pour faire un travail technique. Dans une phase de transition, on n’a pas besoin d’avoir une équipe très élargie. Il va falloir que Mahamat Idriss Déby se ressaisisse. C’est comme si c’était un gâteau qu’il est en train de partager à ceux qui  reconnaissent son régime actuellement ou ceux qui lui font allégeance. Ce n’est pas normal.

DW: Certains Tchadiens, notamment ceux de la diaspora proposent une nouvelle forme de l’Etat à prendre en compte dans la prochaine Constitution. Les plus radicaux proposent purement et simplement une partition du Tchad, en raison des injustices que vivent une majorité de Tchadiens. Faut-il une nouvelle forme de l’Etat ? Le fédéralisme, comme en Allemagne, pour une juste répartition des richesses nationales ?

Me Salomon Nodjitoloum : C’est l’injustice, c’est l’impunité, les décimations qui ont poussé certaines personnes à dire, 'mais nous ne pouvons pas continuer à être ensemble, nous proposons la division du pays ou le fédéralisme ou la décentralisation'. Mais pour notre part, nous estimons que le choix à faire, c’est le choix de la fédération. La fédération permettra à la base, le développement des régions ou le développement des provinces. L’administration sera plus proche des administrés, ce sera une bonne chose. Mais, à l’heure actuelle, envisager la division du pays, je crois que c’est un pas de trop qu’on veut franchir.

DW: Me Salomon Nodjitoloum, que dites-vous à une partie de la classe politique et la société civile qui réclament toujours la dissolution de la junte militaire ? Continuer à contester le Conseil militaire de transition, est-ce vraiment productif, en l’état actuel des choses ?

Me Salomon Nodjitoloum : Moi, je crois que qu’on le veuille ou pas, la transition est déjà ouverte. Maintenant, ce qui reste à faire, c’est faire pression pour que le Conseil militaire de transition s’ouvre pour un gouvernement plus large, un gouvernement de technocrates qui peut aider à préparer le dialogue inclusif pour qu’on gagne du temps. Cette transition ne va durer que 18 mois. Mais si on doit passer tout notre temps à discuter de qui doit être, de qui doit faire quoi, je crois que ça ne peut pas marcher. Au stade actuel, il va falloir faire des pressions pour que tous les actes que le Conseil militaire de transition pose soient observés, soient dénoncés pour l’intérêt de tout le monde. Mais revenir à l’ordre constitutionnel ancien n’est pas non plus une solution. Parce que là aussi, ça va poser encore des problèmes, on va repartir en arrière et il faut attendre quelque temps pour réorganiser les choses. Le schéma présenté par l’Union africaine, c’est un schéma que nous contestons, mais nous ne pouvons pas aller au-delà de ça. Nous demandons qu’il y ait un regard extérieur pour regarder et que ce gouvernement actuel soit dissout pour qu’on mette sur pied un gouvernement capable de mener à bon port les démarches pour aboutir au dialogue inclusif.

DW : Merci Me Salomon Nodjitoloum.

Me Salomon Nodjitoloum : C’est à moi de vous remercier.