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Au Mali, le danger d'informer l'armée ou les djihadistes

Etienne Gatanazi
22 juin 2022

Dans le centre et dans le nord du Mali, fournir des renseignements à l'armée ou aux djihadistes peut coûter la vie.

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Les Forces armées maliennes dans les rues de Gao en 2019 pour des patrouilles
Image : Souleymane Ag Anara/AFP

La population qui vit dans le nord et le centre de Mali est victime de massacres commis par des groupes djihadistes. Ceux-ci agiraient en représailles, soupçonnant certains habitants de collaborer avec les autorités. Il semble que ce soit une explication de la récente attaque qui a eu lieu dans la commune de Diallassagou, dans le centre, où 132 civils ont été tués. 

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Mais les causes de ces drames sont multiples et selon d'autres témoignages, certains habitants sont aussi soupçonnés par l'armée d'héberger ou d’aider les combattants djihadistes. En représailles, c’est cette fois l’armée malienne qui tue des populations civiles. Depuis le début de l’année, l’armée malienne a d’ailleurs assassiné plus de civils que les groupes armés eux-mêmes.

Une stratégie sécuritaire critiquée
  

Les témoignages recueillis après l'attaque du 11 et 12 juin dans la commune de Daillassagou affirment que les djihadistes, avant de tuer les habitants, auraient d'abord rappelé à leurs victimes qu'ils n'étaient pas des musulmans, c'est-à-dire qu'ils étaient des traitres. 

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Des traitres, selon les djihadistes, pour avoir servi d'informateurs ou de guides à l'armée en leur indiquant leurs positions. Depuis quelques jours, des opérations des forces armées maliennes ont été en effet conduites contre des positions de la Katiba Macina qui est accusée par le pouvoir militaire malien d'être l'auteur des récents massacres. 

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Sydilamine Bagayoko, professeur d'anthropologie à l'université de Bamako, critique l'armée sur sa stratégie de protection des civils : "Une fois que les forces armées ont chassé les djihadistes, ils se replient sur d'autres positions. Ils ne restent pas assez de temps pour protéger la population. C'est très important que l'armée sache que dans de tels cas, s'ils viennent pour intervenir, il faut rester un maximum de temps pour vraiment sécuriser la localité."

Rapprochement entre les djihadistes et la population

L'autre difficulté qui s'impose dans cette lutte, selon les experts en sécurité, c’est l'infiltration des djihadistes parmi la population. Cela constitue un défi car l'armée peine à distinguer entre la population et les combattants djihadistes. 

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Mais ce genre de représailles n'est pas le propre des terroristes. En mars dernier, l'armée malienne, assistée par des mercenaires russes du groupe Wagner, a massacré plus de 300 civils à Moura, dans la région de Mopti. 

La carte du Mali
La carte du Mali montrant la région de Mopti, également prise d'assaut par les djihadistes

Cette opération était semble-t-il un acte de vengeance envers des civils soupçonnés d'avoir hébergé des combattants rebelles. 

Cette personne préfère ainsi nous parler sous le couvert de l'anonymat : "Ce qui est sûr c’est que la plupart des djihadistes sont locaux : ce sont des Peuls, des Mossis, des Dogons. Donc, quand il s'agit d'avoir des informations, c'est très facile car ils sont chez eux. Ce sont leurs parents qui sont là-bas dans les villages. Naturellement, c'est facile d'avoir des informations sur l'armée."

La question de la difficulté de l'Etat malien à contrôler l'étendue du territoire s'impose également. Les autorités ont récemment déclaré au Conseil de Sécurité de l'Onu que plus des trois quarts du territoire malien échappaient ainsi à leur contrôle.