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SociétéAllemagne

La pauvreté infantile à un taux record en Allemagne // Mobilisation contre la militarisation de la Grèce à Alexandroupolis

Vu d'Allemagne
21 septembre 2022

Un enfant sur cinq est menacé de pauvreté en Allemagne. Des chiffres record. On en parle avec le professeur Christoph Butterwegge, chercheur sur la pauvreté en Allemagne. Le reportage international de ce magazine nous emmène en Grèce, où les bases militaires américaines ne plaisent pas à tout le monde... Travailleurs et habitants se mobilisent contre la militarisation du pays.

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Ce sont des chiffres alarmants publiés cette semaine en Allemagne. Un enfant sur cinq est menacé de pauvreté dans le pays. Un niveau record atteint en 2021 : 20,8% des moins de 18 ans sont touchés. La hausse n'est "que" de 0,4 point par rapport à l'an passé, mais la tendance est à la hausse et jamais ce chiffre n'avait été aussi haut. Le pourcentage dépasse même celui de la pauvreté dans l'ensemble de la population, où 15,8% des adultes sont concernés, soit 13 millions de personnes. Pour les enfants le chiffre s'élève à plus de deux millions et demi.

Invité de Vu d’Allemagne cette semaine, le professeur Christoph Butterwegge, chercheur sur la pauvreté, revient sur le sujet.

Souffrance financière et morale

Vu d’Allemagne : On parle de pauvreté quand une personne dispose de moins de 60% du revenu moyen de l'ensemble de la population. C'est moins de 1250€ pour une personne seule en Allemagne. Les enfants eux n'ont pas de revenus. Alors qu'est-ce que cela veut dire pour eux concrètement, c'est quoi un enfant pauvre en Allemagne ?

Christoph Butterwegge : Un enfant est pauvre si ses parents sont pauvres. Dans ce sens, le revenu familial est bien sûr déterminant. Mais pour les enfants, la pauvreté n'a pas seulement des répercussions sur le porte-monnaie, mais aussi sur le fait qu'ils sont socialement défavorisés, discriminés dans différents domaines de la vie, du logement, de l'éducation, de la culture, des loisirs. Les enfants qui grandissent dans des familles pauvres ne peuvent que rarement partir en vacances, voire jamais. Ils ne peuvent même pas aller au zoo, au cirque ou à la fête foraine. Ils se comparent naturellement aux autres enfants et constatent qu'ils sont touchés par le manque de moyens. Et donc ils souffrent de ne pas pouvoir rivaliser, de manquer de vie sociale... Au final, tout cela fait qu'ils ont des problèmes de développement, qu'ils ont naturellement moins de chances de se former, qu'ils ne peuvent pas s'épanouir et développer leur personnalité comme le font les autres enfants.

Un enfant assis seul devant un immeuble sur une pelous à Leipzig
L'inflation qui, comme dans de nombreux pays, augmente en Allemagne, fait craindre une nouvelle hausse des chiffres dans les mois à venirImage : Thomas Eisenhuth/ZB/dpa/picture alliance

Vu d’Allemagne : Cela peut aussi avoir des conséquences à long terme ?

Christoph Butterwegge : On l'a très bien vu lors de la pandémie de Covid-19. Les enfants qui disposaient d'une chambre d'enfant, d'une connexion Wifi,  et bien sûr de terminaux numériques comme des ordinateurs, ont pu participer à l'enseignement numérique à distance. Les enfants qui vivaient dans un centre d'accueil pour réfugiés ou dans une grande barre d’immeuble dans un appartement de deux pièces avec la famille et qui n'avaient pas de chambre à eux, pas de connexion internet et pas d’ordinateurs ont été laissés de côté en ce qui concerne l'enseignement à distance. Et ils n'ont bien sûr pas pu évoluer en termes de formation pendant la pandémie. Et cela se ressentira bien sûr à l'avenir, car les enfants issus de la classe moyenne ou de couches sociales élevées ont pu s'instruire beaucoup plus, ils ont d'autres possibilités, ils sont stimulés d'une toute autre manière lorsqu'ils peuvent par exemple voyager avec leurs parents, ce que les enfants pauvres ne peuvent pas faire. En ce sens, les enfants pauvres sont désavantagés dans tous les domaines de la vie.

Anciens Länder de l’Est et régions désindustrialisées particulièrement touchés

Vu d’Allemagne : Est-ce qu’on peut identifier des milieux et des régions plus touchés que d’autres ?

Christoph Butterwegge : Oui, bien que la loi fondamentale de la République fédérale d'Allemagne, la Constitution, stipule que l'égalité des chances doit être garantie. Parmi toutes les régions, on constate clairement que ce qui était l’Allemagne de l'Est, plus de 30 ans après l'unification des deux Allemagne, reste un foyer de pauvreté et de pauvreté infantile. Mais il faut aussi souligner qu'à l'ouest du pays, il existe des régions où la pauvreté des enfants est parfois plus élevée. C'est le cas de Brême et de Bremerhaven, et c'est le cas de la région de la Ruhr, c'est-à-dire de villes comme Dortmund, Essen et Gelsenkirchen. La pauvreté des enfants y est particulièrement élevée, et cela est certainement lié au fait qu'il y a eu une désindustrialisation, qu'il y a eu des problèmes structurels avec le charbon, avec l'industrie sidérurgique. À Brême et Bremerhaven, ce sont les chantiers navals et l'économie de la pêche qui ont connu un déclin. Cela se traduit par un taux de chômage élevé et, par conséquent, par une grande pauvreté des enfants.

Réécouter → En Saxe, le retour des enfants de l'Est - Vu d'Allemagne du 26 février 2020

Garantie de base pour les enfants

Vu d’Allemagne : L'actuelle ministre de la famille Lisa Paus veut instaurer une garantie de base pour les enfants d'ici 2025. Elle doit regrouper diverses prestations familiales et il y aurait un montant garanti indépendant du revenu pour tous les enfants et les jeunes. Les familles à faible revenu recevraient un montant supplémentaire. On a la une solution, ou un début de solution ?

Christoph Butterwegge : Cela peut être le cas si la garantie de base pour les enfants ne souffre pas à la fin d’un manque de moyens financiers. Vous l'avez dit cette garantie de base ne devrait voir le jour  qu'à la fin de la législature, c'est-à-dire en 2025. D'ici là, des négociations ont lieu entre le SPD, les Verts et le FDP, au sein de la coalition gouvernementale. Il faudra donc bien sûr éviter que cette garantie de base pour les enfants ne devienne un revenu de base pour les enfants, ce qui aurait pour conséquence qu'un montant uniforme serait versé à tous les enfants. Il faut tenir compte de la situation individuelle, des conditions de logement, de la situation sociale et économique des familles. (...) Les différents partis de la coalition ont des idées très différentes sur cette idée.
Le FDP défend plutôt les intérêts des enfants qui sont déjà mieux lotis que les enfants qui reçoivent des allocations familiales, parce que les hauts salaires ne reçoivent pas d'allocations familiales, mais un abattement fiscal pour enfants, beaucoup plus élevé que ces allocations. Ainsi il se peut que l'allocation de base pour les enfants crée à nouveau des enfants de première et de deuxième classe, notamment si le FDP s'impose dans la coalition, alors que le SPD et Les Verts ont des idées plutôt égalitaires, visant à améliorer la situation des enfants issus de familles socialement défavorisées et à ne pas veiller à ce que les privilèges des enfants plus favorisés soient consolidés.

Pas seulement une question d’argent

Vu d’Allemagne : Ce n'est certainement une question à laquelle il est simple de répondre en une minute à la radio, mais est-ce que vous pouvez chiffrer ce qu’il faudrait investir ? On parle de millions, de milliards ?

Christoph Butterwegge : Il s'agit certainement de plusieurs milliards d'euros. Mais il ne peut pas s'agir uniquement de versements d'argent. Il faut également veiller à ce que l'infrastructure sociale de formation et de prise en charge soit améliorée. En Allemagne, nous avons le problème qu'il y a peu de structures d'accueil à temps plein par rapport à d'autres pays comme la France par exemple. Nous avons le problème d'un système scolaire divisé, où les enfants issus de familles socialement défavorisées sont généralement éliminés dès la quatrième classe, vers 10 ans, ils vont alors dans une école dite spécialisée. Ceux qui viennent de familles plus aisées vont au lycée et éventuellement aussi dans une école privée. Pour établir une véritable égalité des chances entre les enfants, il faudrait justement créer une école commune, selon le modèle scandinave par exemple. Et il y a toujours en Allemagne des forces puissantes dans la bourgeoisie qui empêchent cela.

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A Alexandroupolis, résistance contre la militarisation de la Grèce

Des soldats américains au bord d'un hélicoptère dans le port d'Alexendroupolis
Image : Sakis Mitrolidis/AFP

En deuxième partie de cette émission, celle du reportage internationale, Vu d’Allemagne prend le chemin de la Grèce. Sur fond de tensions de plus en plus graves avec la Turquie qui remet en cause la souveraineté grecque sur les îles de la mer Egée, le premier ministre libéral conservateur Kiriakos Mitsotakis multiplie les alliances diplomatiques et renforce la coopération militaire avec les Etats-Unis et l'alliance atlantique.

Une coopération qui est loin de faire l’unanimité au sein de la population. C'est le cas notamment à Alexandroupolis dans le nord-est du pays à la frontière greco-turco-bulgare. Là-bas, à l'automne 2021, s'est construite une toute nouvelle base militaire américaine au grand dam de la Turquie. Et cela provoque donc des résistances comme le raconte Thomas Jacobi dans son reportage.

 

Vu d’Allemagne est un magazine radio hebdomadaire, proposé par Hugo Flotat-Talon et Anne Le Touzé, diffusé le mercredi et le dimanche à 17h30TU, et disponible aussi en podcast. Vous retrouvez tous les numéros dans la médiathèque, à écouter en ligne ou à télécharger en format MP3. Le podcast est également disponible sur certaines plateformes de podcasts.

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Politique, économie, histoire... Vu d'Allemagne est un podcast hebdomadaire sur l'Allemagne, avec un grand reportage international en seconde partie d'émission.