Daouda Diallo et les Peuls du Burkina Faso | PROGRAMME | DW | 28.06.2022
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PROGRAMME

Daouda Diallo et les Peuls du Burkina Faso

Entretien avec Daouda Diallo sur les mécanismes de stigmatisation des Peuls au Burkina Faso. Il est le lauréat 2022 du Prix Martin Ennals pour les droits de l'Homme et le fondateur du Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés, à Dedougou, dans la Boucle du Mouhoun.

"Les Peuls constituent un peuple présent dans une vingtaine de pays, en Afrique de l’Ouest, mais également au Tchad, en République centrafricaine et au Soudan – une implantation géographique liée aux besoins des troupeaux de zébus et de chevaux, que la plupart élevaient à l’origine." 

Voici ce qu’on peut lire sur le site de l’association Tabital Pulaaku International, qui promeut la culture peule et participe à la médiation entre les communautés sur le terrain.


Dans les régions frappées par le terrorisme djihadiste, les Peuls sont rapidement assimilés aux terroristes. Beaucoup les accusent, au mieux de soutenir les activités meurtrières des groupes armés, au pire d’en faire partie. Abdoulayse Diallo, coordinateur du Centre national de la presse Norbert Zongo, à Ouagadougou :

"Très maladroitement, on est en train d’indexer une ethnie comme responsable [de l’insécurité], alors que le problème est complexe. On ne peut pas dire que c’est une ethnie qui est responsable de cela à cause simplement de quelques individus, d’un délit de faciès. C’est un cocktail très explosif qui ne permet pas d’avoir la sérénité."

Population estimée à 40 millions d’individus répartis dans une vingtaine de pays, les Peuls sont traditionnellement des éleveurs transhumants, qui se déplacent, donc, au gré des pâtures. Et la cohabitation avec les communautés d’agriculteurs, comme les Dogons du Mali, ou les Mossis du Burkina Faso, est depuis longtemps entachée de conflits, pour l’accès à l’eau et aux terres.

Ces dernières décennies, les éleveurs nomades ont été soumis à des taxes arbitraires par les forces de sécurité, pour obtenir un droit de passage. Les sécheresses, la politique d’urbanisation et l’agrobusiness ont contribué aussi à remodeler les paysages et conduit à une "crise du pastoralisme" : les éleveurs manquent de pâture, leurs revenus baissent et ils sont contraints de vendre une partie de leur bétail.

Précisons que désormais de nombreux Peuls sont sédentaires ou semi-nomades seulement, exerçant d’autres activités que pastorales (fonctionnaires, religieux, artistes, commerçants etc.).
Mais depuis quelques années les Peuls sont victimes de violences physiques, qui vont parfois jusqu’au massacre de villages entiers – notamment de la part de milices armées dites d’autodéfense.

Pourquoi cet amalgame entre Peuls et terroristes ?

D’abord parce que et Amadou Kouffa et Malam Dicko, deux importants prédicateurs djihadistes de la région, sont issus de la communauté peule. Et effectivement, tous deux sont parvenus à recruter des combattants parmi les Peuls, surtout des jeunes. 

Ces islamistes radicaux profitent à la fois de la pauvreté actuelle de leurs cibles dans le contexte de la crise du pastoralisme déjà évoquée et de leur frustration (sociale, économique). Ils dénigrent les pouvoirs en place tout en mythifiant le rôle joué par les Peuls et les Toucouleurs lors de l’islamisation massive de l’Afrique de l’Ouest aux XVIIIe et XIXe siècles.

L’embrigadement fonctionne aussi en s’appuyant sur des écoles coraniques hors de contrôle des pouvoirs publics et il conduit à une radicalisation d’une certaine frange de la communauté peule… 

Ainsi, des témoignages comme celui de Nouhoum Togo, chef d’un parti politique à Bankass, font état de la présence de Peuls parmi les assaillants qui commettent des atrocités dans les villages comme celui de Diallassagou, dans le centre du Mali, où plus de 130 civils ont été tués fin juin.

Alors les Peuls deviennent progressivement les cibles systématiques des armées nationales au nom de la lutte antiterrorisme. Mais ils sont surtout malmenés par des milices d’autodéfense qui se sont constituées pour battre en brèche les terroristes. 

"Quand un Peul rencontre un soldat, il meurt. Quand un Peul rencontre une milice, il meurt. Quand il rencontre des djihadistes, on lui laisse le choix : soit tu meurs, soit tu nous soutiens et dans ce cas, on protège ton troupeau", résume le Burkinabè Abdoulaye Diallo. C’est, selon lui, le choix insoluble auquel seraient confrontés de nombreux Peuls au Burkina Faso et dans les pays limitrophes.

Pour mieux comprendre cette dynamique de stigmatisation, Droits et Libertés vous propose cette semaine un entretien avec Daouda Diallo, fondateur du Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés, à Dedougou, dans la Boucle du Mouhoun, une région de l’ouest du Burkina Faso. 

Daouda Diallo est par ailleurs lauréat 2022 du Prix Martin Ennals pour les droits de l’Homme.

Droits et Libertés est une émission préparée, produite et présentée par Sandrine Blanchard
Avec un merci cette semaine à Daouda Diallo, du Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés au Burkina Faso