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"Il ne faut pas prêcher l'afro-pessimisme" (Mbaye Cissé)

Robert Adé
26 octobre 2022

Interview avec le genéral Mbaye Cissé, président de la commission scientifique du Forum International de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique.

https://p.dw.com/p/4IhDq
Le général Mbaye Cissé
Le général Mbaye Cissé est le nouveau chef d'état-major personnel de Macky SallImage : Robert Adé/DW

Le général de Division Mbaye Cissé, président de la commission scientifique du 8ème Forum de Dakar sur la Paix et la Sécurité en Afrique, est optimiste face aux différentes crises sécuritaires qui secouent le continent.

Le tout nouveau chef d’état-major particulier du président Macky Sall se prononce d’abord sur la coopération entre l’Afrique et ses partenaires dans les domaines de la défense et de la sécurité.

Lisez et écoutez ci-desssous cet entretien accordé à notre correspondant à Dakar, Robert Adé.

Interview du général Mbaye Cissé

Général de Division Mbaye Cissé ’Aujourd’hui, la priorité pour l’Afrique, c’est de s’engager dans la construction de la souveraineté. Que ce soient les partenaires traditionnels de l’Afrique - l’Union Européenne - ou des puissances émergentes comme la Turquie ou l’Inde, chaque partenaire est venu dire : nous sommes venus en Afrique non pas pour vous imposer ou pour vous dire la voie à suivre, mais nous sommes venus pour vous écouter, pour prendre en compte vos besoins et vous accompagner.  

Je pense que cela n’est pas seulement un glissement de langage. C’est plutôt un nouveau paradigme qui se met en place. C’est aussi une opportunité à saisir pour les africains dans ce nouveau monde qui est en reconfiguration. Se positionner davantage et surtout venir avec des solutions endogènes, des solutions africaines.

DW : En quoi ce 8ème Forum International de Dakar sur la Paix et la Sécurité en Afrique est-il différent des éditions précédentes ? 

Il n’est pas différent des autres forums. Il s’inscrit dans leur continuité. Ce forum n’est pas un forum des chefs d’Etat où on vient avec des résolutions et on se dit qu’avant le prochain, il faut qu’on fasse des rapports sur ce qui a été dit ou pas.  

C’est un forum ouvert, informel, de discussions. C’est une grosse corbeille à idées, et chaque rentre avec sa corbeille et peut y puiser.  

Ne négligeons pas ce qui se fait ici parce que les grands débats qui se structurent participent à donner du contenu au narratif du continent puisque ce narratif, ou la perception que l’Occident, l’Union Européenne, les partenaires de manière générale, ont du continent dépend du contenu que nous donnons à ces narratifs. 

Moi, je suis de ceux qui pensent que les idées ont leur vie. Il faut les laisser vivre, faire leur vie jusqu’à ce qu’elles puissent tomber entre de bonnes mains et être transformées en réalisations concrètes. Ce n’est pas une messe de plus puisque chaque jour, une nouvelle problématique s’ajoute, une nouvelle manière de voir les choses s’ajoute, les paradigmes évoluent, et on finit toujours par récolter les fruits de ces réflexions.

DW : Pourquoi l’Afrique peine-t-elle à s’attaquer aux causes profondes d’insécurité et d’instabilité ? 

Bon... L’Afrique peine mais je pense qu’il ne faut pas être aussi pessimiste que ça ! Nous vivons dans un monde très difficile, et il faut se projeter et envisager l’avenir. Pas l’avenir immédiat mais dans le temps long.  

Les coups d’Etat, par exemple, ce sont des incidents. Et vous voyez très bien qu’au niveau de l’Union africaine, ou bien de la CEDEAO comme au niveau du Sénégal, la position de principe est que ces coups d’Etat ne sont pas la voie pour solutionner les problèmes africains et qu’il faut qu’on reste sur la voie de la démocratie, des moyens de transmission du pouvoir de manière pacifique en laissant l’expression à la population mais pas aux armes.  

Ce sont des exercices difficiles qui s’inscrivent dans l’évolution normale des situations. Et moi, je suis convaincu que ces causes seront dépassées tôt ou tard. Restons aussi optimistes sur cette question. Ce sont des situations qui ont mis du temps.  

Cela fait 60 ans de crises structurelles, peut-être, dans nos Etats. 60 ans d’instabilité. Ce n’est pas en un seul jour qu’on règle des problèmes. Mais si on se projette dans le temps long des peuples, je pense qu’il y a des pas qui sont en train d’être faits. 

 Aujourd’hui, quand on parle de nouveaux partenariats, quand on revendique la présence de l’Afrique au G20 ou au Conseil de Sécurité, on est en train de faire des avancées. 

On peut parfois être pressé ou se plaindre. Je pense qu’il faut rester optimiste et ne pas prêcher l’afro- pessimisme. Je pense que ce que nous voyons aujourd’hui, avec le dynamisme de la jeunesse, les aspirations à plus d’éducation, les aspirations à de meilleures conditions de vie. Je pense que cet élan général qui traverse le continent verra ses fruits dans quelques années si tout le monde reste mobilisé et met l’accent sur l’essentiel. C’est-à-dire, faire de l’Afrique un continent d’avenir où les jeunes, les femmes, les enfants, les populations vont vivre dans la paix, la prospérité et le développement.