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Violations graves des droits de l'Homme en Ethiopie

3 novembre 2021

Un an après le début du conflit dans le Tigré, l'Onu dénonce de possibles crimes de guerre et contre l'humanité, commis par toutes les parties impliquées.

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Des membres des forces gouvernementales éthiopiennes dans le Tigré, en mars 2021
Des membres des forces gouvernementales éthiopiennes dans le Tigré, en mars 2021Image : Ben Curtis/AP Photo/picture alliance

La chute d'Addis Abeba serait imminente. C'est en tout cas ce qu'affirme l'Armée de libération oromo (OLA), alliée du TPLF, le Front de libération du peuple du Tigré. Les deux groupes armés revendiquent la prise de villes à environ 320 kilomètres de la capitale éthiopienne et disent vouloir renverser le régime en place.

Le gouvernement fédéral, lui, dément cette progression mais il a décrété hier [02.11.21] l'état d'urgence sur l'ensemble du territoire.

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Cette escalade du conflit en Ethiopie survient alors que la Commission éthiopienne des droits de l'Homme (EHRC) et le Haut-commissariat de l'Onu pour les droits de l'Homme viennent de publier un rapport d'enquête sur les violations graves des droits humains, perpétrées depuis un an par les parties impliquées.

Raid aérien sur Mekele (20 octobre 2021)
Raid aérien sur Mekele (20 octobre 2021)Image : AP Photo/picture alliance

Torture, viols, exécutions sommaires

Le rapport des Nations unies et de la Commission éthiopienne des droits de l'Homme s'appuie sur 269 entretiens confidentiels, des réunions avec des autorités, locales et fédérales, des ONG et des médecins.

L'enquête, présentée simultanément à Genève et Addis Abeba, conclut à de possibles crimes de guerre et crimes contre l'humanité, des crimes commis "à des degrés divers" par toutes les parties en lice entre le 3 novembre 2020 - le déclenchement des raids de l'armée éthiopienne dans le Tigré – et le 28 juin dernier, date à laquelle le gouvernement d'Abiy Ahmed avait déclaré un cessez-le-feu unilatéral.

>>> A lire aussi : Le viol utilisé comme arme de guerre en Ethiopie

La Haute-Commissaire de l'Onu aux droits de l'Homme, Michelle Bachelet, dénonce la "brutalité extrême" du conflit dans le Tigré, mercredi matin [03.11.21] , devant la presse : "L'équipe d'enquête conjointe a découvert de nombreuses violations et abus, notamment des meurtres illégaux et des exécutions extrajudiciaires, des actes de torture, des violences sexuelles et sexistes, des violations à l'encontre des réfugiés et des déplacements forcés de civils."

L'Onu appelle à mettre un terme au plus vite à cette guerre par le dialogue et souligne "la nécessité de tenir [les] auteurs [de ces violences] pour responsables, quel que soit leur camp". Si les autorités éthiopiennes ne sont pas en mesure de poursuivre les coupables, il faudra envisager un recours à une instance internationale, prévient Michelle Bachelet.

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L'enquête n'a pas pu établir d'actes de génocide. Mais Michelle Bachelet estime qu'il faudra continuer les investigations dans cette direction car les enquêteurs ont réuni, je cite, des "indices inquiétants de violences motivées par l'appartenance à un groupe ethnique".

Un char endommagé sur une route au nord de Mekele, la capitale du Tigré (archive de février 2021)
Un char endommagé sur une route au nord de Mekele, la capitale du Tigré (archive de février 2021)Image : Eduardo Soteras/AFP

Réactions des parties incriminées

Daniel Bekele, commissaire en chef de la Commission éthiopienne des droits de l'homme, demande aux belligérants de "s'engager à prendre des mesures concrètes en matière de responsabilité et de réparation aux victimes et de trouver une solution durable pour mettre fin à la souffrance de millions de personnes".

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Les autorités tigréennes dénonçaient, avant même la parution du rapport, le manque d'impartialité des enquêteurs. Ainsi, sur Twitter, Getachew Reda, le porte-parole du TPLF publiait ceci, dès le mardi 2 novembre :

Le gouvernement fédéral, lui, met en avant sa collaboration avec eux comme une "démonstration du sérieux" avec lequel il considère les droits humains.

Des enquêtes supplémentaires

Dans un communiqué auquel la DW a eu accès, le Premier ministre Abyi Ahmed, Prix Nobel de la paix 2019, qualifie le rapport de "document important" même s'il rejette le fait d'utiliser la faim comme une "arme de guerre" contre les Tigréens ou de leur refuser "délibérément" l'accès à l'aide humanitaire. Il promet des enquêtes, du soutien aux victimes et un procès " transparent, légal et solide" des auteurs présumés des violences et souligne que les forces tigréennes ont commis aussi des violences après le 28 juin, qui n'ont pas pu être prises en compte par les enquêteurs, notamment dans les régions de l'Afar et Amhara.

Les enquêteurs dénoncent par ailleurs les atrocités perpétrées par les alliés érythréens des forces gouvernementales éthiopiennes.

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Manifestation à Londres contre la guerre dans le Tigré (octobre 2021)
Manifestation à Londres contre la guerre dans le Tigré (octobre 2021)Image : Tayfun Salci/picture alliance/ZUMAPRESS

Interrogée par la DW, Laetitia Bader, responsable de la Corne de l'Afrique chez Human Rights Watch, insiste sur la nécessaire lutte contre l'impunité : "Les neuf premiers mois du conflit du Tigré ont fait des ravages parmi les civils. [...] Comme le Haut Commissaire l'a clairement indiqué, il ne s'agit pas d'un compte rendu exhaustif. Compte tenu des abus et des souffrances qui se poursuivent dans les régions du Tigré, de l'Amhara et de l'Afar, il est grand temps que la communauté internationale mette en place et soutienne de toute urgence un mécanisme d'enquête international indépendant qui puisse garantir un contrôle international permanent, préserver les preuves et ouvrir la voie à une véritable responsabilisation. Les victimes et les communautés touchées ne méritent rien de moins."

Les combats et état d'urgence

Pendant ce temps, la lutte armée continue. L'état d'urgence approuvé par le Parlement permet aux autorités d'enrôler les citoyens pour se battre, mais aussi de suspendre des médias qui seraient soupçonnés d'apporter un soutien "direct ou indirect" à l'ennemi. Gedion Timotheos, ministre éthiopien de la Justice, explique ainsi que "l'état d'urgence peut ordonner aux citoyens dont l'âge est adapté au service militaire et qui sont en possession d'armes à feu de suivre une formation militaire et d'accepter les ordres de missions. S'ils ne sont pas en mesure d'accepter cet ordre pour diverses raisons, ils ont la possibilité de remettre temporairement leurs armes à feu au gouvernement. En outre, l'état d'urgence peut imposer un couvre-feu dans tout ou partie du pays, notamment dans les villes. Il peut également entraîner la fermeture ou l'arrêt de tout moyen de communication et de transport public."

Sur son compte Twitter, Getachew Reda, le porte-parole du TPLF, dénonce une "carte blanche pour incarcérer ou tuer les Tigréens".

Le gouvernement éthiopien démentait encore mercredi matin [03.11.21] l'avancée des groupes armés vers la capitale mais plusieurs sources les localisent dans la région Amhara, à moins de 400 km au nord d'Addis Abeba.

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Ainsi, sur Twitter, Rashid Abdi affirme que certains conseillers du Premier ministre tentent de le convaincre d'accepter de partir en exil pour éviter des combats et un possible bain de sang dans la capitale:

Quant à la crise humanitaire, elle s'aggrave tandis que les organisations ne peuvent toujours pas accéder aux populations qui ont un besoin urgent d'aide alimentaire.